mardi 15 novembre 2011

le temps de rien


Le temps de rien


Comment peut-il être mort, alors qu’il a encore sa maison ?
Qui a dit que les jours de mistral les couleurs sont plus vives ?
Qu’une soupe le soir tient au ventre ?
Qu’il faut aller voir un film par semaine ?
Qu’être à jour
c’est tenir le temps
alors que c’est la boîte mail qui dicte le planning ?

Sur la ligne de crête, on cherchait la croix
Elle était dissimulée sur la falaise
Une vue en plongée

Comment le lit tient-il la nuit alors que tout s’effondre ?
Qui a dit qu’il faut un an ?
Qu’avec le temps…

La cave est pleine
Le frigo vide

-       Croisant les doigts pour ne rencontrer personne qui me détournerait de mon but,
aussi futile soit-il.

Passer une heure, en vain, à chercher des photos

Trois textes à rendre
Une bio-biblio
Un rendez-vous
L’ampoule grillée
Les factures empilées
Les ordonnances périmées
Un sandwich à la main
Une brûlure au palais.
Le correcteur d’orthographe

Qui a dit que l’herbe est plus verte ailleurs ?

Comme les vieilles, l’après-midi en semaine au cinéma

Les chrysanthèmes ont-ils tenu ?
Qui a dit que les morts ne parlent plus ?
Que la terre est muette ?

Sur la place fin novembre on regarde les arbres
le soleil cogne
 « Même les oiseaux ils comprennent rien »


Un voyage en train dans un pays du Maghreb,
Une ville, des collines.
Un passage en contrebas, des rails
Des buis et des ifs, une voix me disait : « C’est son chemin »


Chercher
sur l’écran
à travers le visage d’une actrice
celui d’une personne connue.

Rêves de la nuit devant une tasse de thé vert.

Ne seront jamais vieux.

Qui a dit que décembre est le mois des enfants ?
Y’a t-il assez de place pour un amoureux et trois morts ?

Trouver trente centimes en pièces de 10 pour trois photocopies.
Déboucher le siphon dans la cuisine.
Fermer les volets.

Y’aura t-il de la pluie à Noël en Tanzanie ?

La grand-mère sans sépulture, 
cendres au vent, dans un bosquet de chênes.

Il paraît que les jours sont plus courts
depuis que la terre a basculé sur son axe.

Mon ami le sémaphore, sous les voûtes de la Vieille-Charité,
un matin, la nouvelle d’une mort,
encore. « Même les médecins ils comprennent rien ».

Qui a dit que Mars est le mois des fous ?

Les samedis après-midi une exposition
dont c’est le dernier jour, et arriver tard

Et soudain sans raison
une sorte de joie ivre
en traversant le pont de la rue d’Aubagne
au coucher du soleil.


Comme les jeunes dans les trains, le week-end


A la fin la maladie voilait leur voix
Et c’est ainsi qu’ils commençaient à disparaître

Qui a dit que je polluais plus qu’une multinationale ?
Est-ce que tout s’en va ?

« Pour écrire une femme a besoin d’un peu d’argent
et d’une chambre à soi » écrit Virginia Woolf.


Rien devant, rien derrière

Le désordre des généalogies
Et :  « la vie continue »
Et : « Il faut vivre malgré tout »


Cheveux lavés.
Serpillière et balais passés.


Et soudain un soir
une sorte de joie ivre
à l’écoute d’une émission de radio


Un meuble neuf dans la salle de bains
Et un aspirateur qui remarche
Et : « c’est le corps qui parle »
Et être dans les délais c’est être encore en vie



Comme les vieux devant la tombe de mes parents


La pluie, la terre mouillée,
la forte odeur de feuilles le buis,  le froid des pierres comme
la peau des morts.





Dans le matin lent, s’étirer
Le jour par la fenêtre
Je n’aurai jamais de balcon
Tourner les pages du calendrier

Il me faudra trier,
Et jeter des vêtements,
Et donner des livres.
Classer les lettres, les carnets, tout relire, tout ranger.
Les photos aussi.


J’avais dans ma tête un bleu
Précis
Non identifié

Un bleu ciel, épais.

Ce bleu était dans un film

« Un bleu grec » me dit-il


On peut donner des titres à des moments de vie,
écrit Annie Ernaux, dans l’Occupation.


Texte paru dans la revue Camion, juin 2010










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